Ce projet favorise certaines populations par rapport à d’autres :
- les cadres par rapport aux autres classes professionnelles ;
- les métropolitains par rapport aux populations en milieu rural et petites communes ;
À qui profitent les Lignes à Grande Vitesse au quotidien ?
Monsieur tout-le-monde ne voyage pas à grande vitesse…
En effet, les trains à grande vitesse représentent seulement 5% des usagers du train.
Source : Autorité de Régulation des Transports (ART, anciennement ARAFER), Données du marché français de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises.
Voir le Tableau 5.1 – Offre ferroviaire réalisée, fréquentation et recettes du transport ferroviaire de voyageurs (2015-2022) : en 2019 (chiffres d’avant Covid) 112 426 546 passagers transportés sur les TAGV (trains à grande vitesse), sur un total de 1 881 496 378 (=5,9%) ; ou encore 221 142 circulations effectives en TAGV sur un total de 4 625 180 (soit 4,8%). Les chiffres sont pires sur les années suivantes.
Les 14 milliards d’euros investis par l’État et les collectivités sur le GPSO servent de fait surtout la compétition entre métropoles, comme l’indique le site de promotion de la LGV vantant le ‘développement’ des territoires et comme le caractérise assez nettement Guillaume Faburel (Professeur d’Etudes urbaines à l’Université Lyon 2, auteur de Métropoles Barbares, prix du livre d’écologie politique en 2018).
Les destinataires de ces projets de LGVs, outre les lobbys du BTP, sont ainsi les “emplois métropolitains” définis par l’Insee comme les personnes travaillant dans l’une des cinq fonctions dites de métropole de conception-recherche, prestations intellectuelles, commerce interentreprises, gestion et culture/loisirs. Pour le reste de la population, dont le déplacement dépend surtout de la voiture lorsque celle-ci habite en dehors de Bordeaux ou Toulouse Métropole, et des transports en commun sinon, les budgets de la Région sont sans commune mesure avec celui de la LGV (exemple du budget 2023 de la Région Nouvelle-Aquitaine, présenté en séance plénière de février 2023, avec les investissements prévus pour les aménagements ferroviaires du GPSO, de l’orde de 1 milliard d’euros : c’est le montant total qui serait déjà nécessaire à la rénovation des lignes existantes…).
Favoriser une certaine catégorie de la population au détriment des autres
Cadres vs. autres catégories socioprofessionnelles
48 % des voyageurs en train à grande vitesse sont des cadres et professions intellectuelles supérieures (source : Autorité des Transports, Enquête 2019 auprès des voyageurs en trains à grande vitesse), et cette catégorie socioprofessionnelle ne représente pourtant que 10% de la population française.
Or on assiste à un sur-investissement sur les LGV durant les dernières décennies au détriment des autres transports collectifs, avec mauvais entretien des lignes et manque de trains TER notamment.
Rappelons à cet égard que le GPSO a été initié en 2014 (enquêtes publiques), à une époque où on parlait beaucoup moins de visio-conférences et d’IA, pratiques qui tendent à réduire sensiblement le déplacement de cette population de cadres. Ce projet n’avait sans doute pas anticipé l’évolution des techniques de communication notamment en milieu professionnelle, que le Covid a particulièrement accentué. Mais, de toutes façons, les études socio-économiques d’alors montraient déjà un bassin de vie insuffisant pour justifier le GPSO [source].
Métropolitains vs. habitants de communes “périphériques”
Un train qui ne s’arrête pas ne participe pas au maillage du territoire. Ainsi certaines territoires restent enclavés et les petites lignes pâtissent d’un sous-investissement conduisant à des défauts de service (pas de personnel dans les gares, retards, incidents techniques, etc.) tandis que la LGV pompe dans le budget des collectivités pour offrir un voyage aux métropolitains souhaitant naviguer d’une grande ville à l’autre. Citons à ce sujet l’avis du CESER Nouvelle Aquitaine sur le Budget Primitif 2023 : “Les mobilités du quotidien doivent rester « la priorité des priorités ». Dans de nombreux territoires, faute d’une offre de transport suffisante, les habitants n’ont d’autres choix que de se déplacer en voiture. Décarboner les mobilités, favoriser le report modal, tout en luttant contre la précarité énergétique qui touche de nombreux ménages, implique de développer une offre de transport adaptée aux besoins des territoires. […] La modernisation du réseau ferré doit constituer la priorité ; à défaut, il sera difficile d’impulser une véritable politique de report modal de l’automobile vers le rail et ainsi d’engager la Nouvelle-Aquitaine vers des mobilités durables.”
- Rouban L., Les Français satisfaits des communes rurales septembre, 2019 AMF Cevipof/Sciences Po ;
- Forum Vies mobiles, 2018. Enquête sur les aspirations à quitter l’Île-de-France ;
- IFOP 08/2020 Enquête d’opinion auprès des habitants des villes moyennes, Villes de France, ANCT, Banque des territoires ;
- NEXITY, 2020, « Post-confinement : Les Français en attente de plus de nature pour leur habitat » ;
- Obsoco/Chronos, 2017, Observatoire des usages émergents de la ville, Obsoco.
C’est pourtant bien l’absence de desserte des territoires peu denses par des transports publics adaptés, dans un contexte de renchérissement importé (prix du brut) et voulu (taxe carbone) du coût d’usage de la voiture qui a allumé la flamme des gilets jaunes, puis motivé la LOM [Loi d’Orientation des Mobilités]. Cette question n’est pas résolue aujourd’hui, comme l’explique Jean-Pierre Orfeuil dans un dossier complet. C’est un problème pour les populations (les fins de mois) et cela reste une difficulté pour les politiques climatiques : c’est le facteur qui a gelé la taxe carbone à un niveau non contraignant pour les gros pollueurs industriels.
14 milliards d’euros d’argent public ne seraient-ils donc pas mieux investis à traiter les enjeux de déplacement du quotidien qu’à servir l’intérêt de quelque-uns aux déplacements rapides entre Bordeaux et Toulouse ?
Citons Trans’CUB :
La région Nouvelle Aquitaine a prétendu qu’avec 3 voies on obtiendrait un service de meilleure qualité mais n’a jamais expliqué comment on circulerait sur ces 3 voies entre la sortie de Bordeaux et le km 14 (début de la LGV).
services de train du quotidien. Et comment ? Simplement en calant les horaires de ceux-ci sur les horaires de passages des LGV en gare, pour assurer les correspondances. À l’occasion, s’il y a un trou, on pourra ajouter un TGV, pourquoi pas.
mobilité depuis celles-ci ! Une large partie de la population reste contrainte d’utiliser la voiture, avec le coût que cela suppose, en favorisant l’engorgement routier des grandes villes.
L’impôt TGV : tous pour quelques uns

Cette carte a été publiée dans cet article de Sud Ouest (une carte interactive peut également être consultée dans l’article).
Plus précisément, 2 340 communes des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine seront soumises à partir de 2023 à la « taxe spéciale d’équipement » (TSE) destinée à financer la société du grand projet Sud-Ouest (GPSO), d’après l’arrêté publié en janvier 2023.
Or ces communes se trouvent dans les territoires traversés par les LGVs, mais où elles ne s’arrêtent pas.
Pire, des communes qui vont être cisaillées en deux – comme Bernos-Beaulac – par la LGV vont payer cette taxe.
Enfin, cette taxe met fin à l’égalité des personnes devant l’impôt à l’échelle des territoires.