Procédure complète, du débat public aux travaux (cliquer pour agrandir le schema)

Le projet du GPSO remonte à plus de 20 ans (pour les premières ébauches), et les collectifs d’opposants existent parfois depuis 15 ans.

En effet, le projet a été initié par le schéma directeur national des infrastructures, qui retient en 1992 le projet de LGV Bordeaux-Toulouse-Narbone.

Dès cette époque, il existe une tension entre modernisation ou entretien des lignes existantes et création de nouvelles lignes. Le Ministère cherche alors à rassurer le Sénat en annonçant des investissements conséquents :  “Le Gouvernement a décidé d’augmenter fortement la participation de l’Etat au financement des infrastructures ferroviaires, en faisant passer les dotations budgétaires consacrées à ce secteur de 1,3 milliard de francs annuels à 2,3 milliards de francs à l’issue de la prochaine génération des contrats de plan entre l’Etat et les régions. Par ailleurs, un meilleur équilibre sera recherché entre la réalisation d’infrastructures nouvelles et l’amélioration des lignes et services existants qui bénéficieront de dotations plus importantes que par le passé (plus de 500 millions de francs par an de l’Etat).”

Ces sommes paraissent aujourd’hui ridicules, les budgets d’infrastructures n’ayant cessé d’exploser pour atteindre aujourd’hui l’estimation de 14,3 milliards d’euros pour le seul GPSO.

Par ailleurs, en 1996, le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) est façonné avec deux objectifs principaux :

  • Le bon fonctionnement du marché intérieur
  • Le renforcement de la cohésion économique et sociale

Ainsi les logiques d’intégration européenne – et donc les subventions européennes – privilégièrent le raccordement au réseau ferré des grands axes d’échanges entre pays membres. Le tronçon Dax-Espagne prend alors toute son importance dans ce projet.

En 2003, le projet est cependant revu à la baisse, ne conservant que la LGV Bordeaux-Toulouse, et est alors évalué à 3 milliards d’euros.

Une première fois, le projet au complet ressort donc des cartons pour être soumis au débat public en 2005, et tout s’enchaîne :

Le réseau européen RTE-T

Source : Géoconfluences

De manière générale, la France est la championne de la vitesse pure. Dès 1955, la SNCF avait établi un double record du monde de vitesse à 331 km/h avec une motrice Alsthom (qui s’est longtemps écrit avec un h) et une Jeumont-Schneider. En 2007, une rame TGV un peu modifiée portait le record à 574,8 km/h. Il faut attendre 2013 et la publication du rapport Duron pour découvrir l’amorce d’une nouvelle politique qui affirme que la grande vitesse n’est plus la priorité nationale. En effet, le réseau ferroviaire français se dégrade, l’endettement de RFF augmente, les liaisons régionales doivent être améliorées, et la grande vitesse apparaît trop onéreuse en investissements, ainsi que le dénonce le rapport de la Cour des Comptes en octobre 2014.

[…]

Le choix du tracé des voies donne lieu à un débat entre la rationalité économique (aller vers le marché) et l’aménagement du territoire (donner un avantage comparatif à des régions marginalisées). Ainsi, la France a d’abord ouvert Paris-Lyon, axe majeur depuis le XVIIIème siècle, d’abord avec les routes royales puis avec le train PLM, Paris-Lyon-Marseille. Ensuite, en 1989, est venu le TGV Atlantique, destiné à rapprocher l’Ouest français de l’Île-de-France. […] L’action d’un homme politique charismatique peut peser lourd. […] Il s’agit de traverser les solitudes relatives de la Meseta castillane ou du Bassin parisien à toute vitesse pour effectuer un aller-retour dans la journée entre la capitale et la province. Pour René Uhrich, le TGV est « un car de ramassage pour cadres » et pour Gabriel Wackermann, « un train de mendiants qui viennent quémander à Paris » (communications orales).

  • 16 juillet 2007 : RFF (Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau depuis)) crée la mission des Grands Projets du Sud-Ouest (GPSO), qui est chargée du pilotage des études de la LGV Bordeaux- Espagne et de celle de Bordeaux – Toulouse (2005)
  • 2008 : le Comité de pilotage « Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest » (GPSO) est mis en place le 11 janvier 2008 ;
  • 2009-2010 : première phase de la concertation post-débat public, sur le choix du fuseau ;
  • 2010-2012 : deuxième phase de la concertation post-débat public, sur le choix du tracé ;
  • 2012-2013 : troisième phase de la concertation.
 
Suite à ces concertations, le ministre des Transports valide la future ligne et son tracé, avec l’ajout de deux dessertes : Agen et Montauban. Débutent alors les enquêtes publiques sur les territoires concernés. Le tracé en question s’arrête cependant désormais à Dax, et le tronçon Dax-Espagne est reporté malgré l’enjeu de subvention européenne. Le Pays-Basque s’est en effet massivement soulevé dès 2005 contre le GPSO, ce qui aurait pu faire tâche d’huile et consolider l’opposition au projet sur toute l’Aquitaine. Le gouvernement a donc opportunément “sorti” le territoire basque des enquêtes publiques qui se déroulent en 2014 et 2015 avec un résultat malgré tout largement défavorable.
 

En parallèle, la Cour des Comptes publie un rapport accablant, affirmant « le modèle LGV porté au-delà de sa pertinence ».

En 2015, le gouvernement annonce que les lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax verront le jour, avec des mises en service prévues entre 2024 et 2027, malgré l’avis défavorable à la déclaration d’utilité publique prononcé le 30 mars 2015 par la commission d’enquête publique.

Le 25 novembre 2015, un arrêté préfectoral déclare ainsi d’utilité publique (DUP) les aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux

En 2017, la ligne Bordeaux-Paris est mise en ligne, aussi connue sous le nom de projet “Sud Europe Atlantique (SEA)” pour la partie Bordeaux-Tours. Cette ligne fait les gros titres pour ses nombreux écueils (🗞 article Mediapart) : retards de compensations environnementales, nuisances sonores pour les riverains, chantiers titanesques, mauvaises gestions financières (clauses contractuelles indécentes engageant les collectivités à financer les aléas) et péages payés par la SNCF à LISEA, filiale de Vinci.

Liens vers les documents

Par ailleurs, après les évènements de Notre-Dame-des-Landes (projet d’aéroport abandonné suite à une lutte acharnée des citoyens) Emmanuel Macron fait un discours rejetant de nouveaux projets de LGV, lors de l’inauguration du TGV Paris/Rennes. Cela n’empêche pas le Conseil d’orientation des infrastructures de juger le projet comme étant prioritaire dans son rapport 2018.

Ainsi en 2019 un amendement à la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) permet la création de sociétés de projets (SGP) pour plusieurs projets d’infrastructures ferroviaires, afin de financer les lignes.

C’est ainsi que le projet est relancé pour les régionales de 2021, par Alain Rousset et Carole Delga, soutenus par Jean Castex (alors Premier Ministre), qui annonce un engagement de l’État à hauteur de 4,1 milliards d’euros dans le financement de la future LGV Bordeaux-Toulouse.

Le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic et ex-avocat des associations environnementales (SEPANSO, …) dans le cadre des recours contre les lignes nouvelles, déclare alors : « Il faut tout mettre en œuvre pour arrêter ce projet insensé ». Trois départements dont le Lot-et-Garonne, les Pyrénées-Atlantiques et la Gironde refusent de confirmer leur engagement financier dans le projet, justifiant le caractère inadmissible d’engager de telles sommes au moment où les départements ont perdu leur compétence de transport au profit des Régions. Dans la foulée, 80 élus de Gironde se constituent en collectif en appelant à la mobilisation populaire contre le projet. Plus d’information sur les prises de positions des élus.

Ceci n’empêche pas la signature en 2022 du plan de financement qui assure un engagement financier de l’État à hauteur de 40%, la même part que les collectivités territoriales, les 20% restant étant suspendus à un financement européen incertain. Le coût est alors évalué, en 2022, à 14,3 milliards d’euros, soit une multiplication par 4,5 en 20 ans.

Les déclarations et nominations politiques fusent alors de toutes parts :

  • Étienne Guyot, préfet d’Occitanie et ancien président de la société du Grand Paris, nommé par Jean Castex pour coordonner le projet de LGV Sud-Ouest et assurer sa mise en œuvre, donne rendez-vous « dès 2023 pour les premiers coups de pioche au nord de Toulouse et au sud de Bordeaux» ;
  • Carole Delga assure quant à elle que « le centre de décision sera à Toulouse pour construire la ligne Toulouse-Bordeaux et non pas l’inverse» ;
  • En juin 2002, Karima Delli, membre la Commission Transport Européenne, communique sur le non-financement du Grand Projet Sud-Ouest par l’Europe en affirmant que le projet n’est pas prioritaire pour l’UE ;
  • Une lettre envoyée par le collectif des maires de Gironde à la Commission Européenne pour indiquer leur opposition à ce projet demande le non-financement intégral du projet, la décision de non-financement concernant à cette date uniquement les travaux préparatoires.
  • Le communiqué de presse de Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, indique qu’un projet alternatif est possible avec la modernisation des lignes existantes ;
  • En Juillet, Emmanuel Macron, sur proposition d’Elizabeth Borne ancienne Ministre des Transports, propose de nommer Jean Castex Président du CA de l’Agence de Financement des Infrastructures de Transport de France ;
  • En décembre 2022, les maires de Bordeaux, Irun et Bayonne ont corédigé un appel « pour porter [une] alternative, symbole d’une mobilité efficace et soutenable » : la modernisation de la voie ferroviaire existante reliant Bordeaux à Irun. Cet appel vient appuyer la demande des opposants au GPSO de renoncer au projet et de se concentrer sur les alternatives viables proposées par ceux-ci.
 

Dans la suite logique, les expropriations et acquisitions foncières se préparent, notamment au niveau des aménagements ferroviaires : une enquête parcellaire en vue de l’acquisition par voie amiable ou d’expropriation des terrains nécessaires à la réalisation des AFSB a lieu sur les 4 communes concernées : Bègles, Cadaujac, Saint-Médard d’Eyrans et Villenave d’Ornon. Cette enquête est prescrite par la Préfète de la Gironde par arrêté préfectoral en date du 29 septembre 2022. Elle permet de détailler les emprises nécessaires à la réalisation du projet et à rechercher les propriétaires, les titulaires de droits réels et autres intéressés.

🗞 Article de Sud Ouest sur l’avancement du projet à octobre 2022

Pendant ce temps au niveau du plan de financement, un arrêté publié le 1er janvier au « Journal officiel » précise les communes concernées par la nouvelle « taxe spéciale d’équipement » promulguée par la loi finance 2023 et destinée à financer la société du GPSO (voir la page sur le financement du GPSO). En effet, le plan de financement du GPSO prévoir un part de 40% (des 14 milliards d’euros de budget total) revenant aux collectivités locales. Cette part sera assise en partie sur une taxe nouvelle prélevée durant 40 ans, dans 2 340 communes.

 
En 2023, le Conseil d’Orientation des Infrastructure publie un nouveau rapport en proposant trois scenarios. Le scénario retenu par le gouvernement donne notamment la priorité à la modernisation du réseau ferré et aux transports du quotidien…

📎 Consulter le rapport 2023 du COI

« Le COI a émis trois scénarios. Le premier est un scénario de contrainte budgétaire, le second est focus sur le ferroviaire et le dernier est très intensif en matière d’investissement dans les infrastructures. Nous allons travailler sur le second, qui est aussi le scénario plus écologique.
[…]
Le scénario Planification écologique prévoit l’engagement dans les délais prévus par la LOM (loi d’orientation des mobilités), dès le premier quinquennat des opérations relevant de l’aménagement du réseau structurant et des nœuds ferroviaires (GPSO – AFSB et AFNT*) […]. Ce scénario conduit en revanche, pour ne pas mobiliser trop rapidement des enveloppes supérieures à celles prévues par la LOM, comme le demande le mandat au COI, à différer de deux ans environ les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Béziers par rapport aux attentes. Les autres phases de ces projets (branche de Dax), et les autres projets (LNPN, LNO BPL**…) seraient étalés dans le temps, en privilégiant d’abord les opérations de désaturations des lignes et nœuds ».

Suite à ce rapport, la première ministre Elizabeth Borne annonce choisir parmi les trois scenario préconisés par le COI celui dit de “planification écologique”, en investissant notamment 100 milliards d’euros dans les transports du quotidien.

Extrait d’un article de Mediabask  (🔗 lien vers l’article)

Les trois membres de l’Eurorégion ont été reçus par le maire de Saint-Jean-Pied-de-Port, lundi 20 mars [2023], pour l’assemblée générale annuelle de l’Eurorégion Nouvelle-Aquitaine Euskadi Navarre : la présidente navarraise, Maria Chivite (PSN) ; le président de la Communauté autonome basque, Iñigo Urkullu (PNV) ; et celui de la Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset (PS).

Depuis que le Conseil d’orientation des infranstructures (COI) a posé sur la table le principe du report à 2042 du tronçon entre Bordeaux et Dax, sans calendrier précis pour Dax-Irun, les deux présidents ont multiplié les contacts avec des représentants de l’État français.

Alain Rousset, qui préside l’Eurorégion jusqu’en 2024, a évoqué la menace de la caducité de la déclaration d’utilité publique. Si le report se concrétisait, la DUP pour les travaux des tronçons Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax qui court jusqu’en 2032 ne serait plus valide au-delà. Or, sans connexion avec Irun, les financements européens ne seraient plus au rendez-vous, comme le lui auraient rappelé plusieurs interlocuteurs de l’UE.

En mars 2023, un arrêté est publié par la Préfecture de Gironde aux principales communes situées sur le tracé de la LGV afin d’autoriser les entreprises à “pénétrer sur les propriétés privées” dans le but de “réaliser des opérations de sondage, de levers et piquetages topographiques, de reconnaissances géotechniques, d’études environnementales, de mesures acoustiques et d’archéologie préventive (diagnostics)”.

Par ailleurs au même moment le Sénat adopte en première lecture une proposition de loi pour “corriger” la loi Climat qui a mis en oeuvre en 2022 les objectifs du “zéro artificialisation nette (ZAN)” des sols d’ici 2050. Les sénateurs prévoient un décompte dans une enveloppe séparée des grands projets nationaux – tel que le GPSO…