Des lignes nouvelles inutiles

Dès 2015 les commissaires enquêteurs, garant de l’enquête publique, relevaient dans les Conclusions et avis de la commission d’enquête GPSO/LN:

622 Un besoin non partagé
L’enquête a connu une forte mobilisation des particuliers mais les différentes composantes de la société étaient également représentées, en particulier les syndicats professionnels, les associations et les collectivités locales. Aucune catégorie, même les entreprises, n’est majoritairement favorable au projet. Les communes rurales sont très opposées dans la partie Nord du tracé, plutôt résignées au Sud. Au regard de l’enjeu, la commission aurait pu s’attendre à une plus forte mobilisation des soutiens au projet. Au final, la commission n’a pas décelé l’expression d’un véritable besoin de lignes à grande vitesse dans le Sud-ouest.

Les promoteurs du projet parlent pourtant d’un “besoin de mobilité” pour justifier ces lignes à grande vitesse. S’il y a effectivement besoin d’entretenir les lignes existantes qui assurent les mêmes liaisons que celles proposées par le GPSO, la nécessité d’aller plus vite reste à établir.

De fait, les lignes existantes permettent déjà d’assurer les liaisons proposées par le GPSO.

Ainsi :
  • Sur la partie Bordeaux-Toulouse, le GPSO ne “crée” rien : les lignes reliant les villes existent déjà et desservent de nombreux arrêts, là où la LGV en projet prévoie seulement deux arrêts pour Agen et Montauban ;
  • Sur la partie Bordeaux-Dax, le GPSO permet un gain de seulement 6 minutes (!) en s’arrêtant uniquement à Mont-de-Marsan, ville déjà desservie par les lignes actuelles (avec d’autres).

La soi-disante saturation imminente des lignes existantes

Un argument utilisé régulièrement pour justifier le projet des LGV est la saturation des lignes existantes, dont les promoteurs de Région arguent régulièrement sans jamais montrer un seul chiffre de l’exploitant SNCF Réseau. Pourtant à y regarder de plus près, plusieurs points permettent d’invalider cette hypothèse :

D’une part, si les lignes actuelles étaient saturées ce serait en des points précis comme les entrées/sorties de métropoles. Il convient donc en premier lieu de requestionner l’intérêt de 327km de lignes nouvelles si l’objectif est de faire sauter un ou deux bouchons localisés. On redimensionne dans ce cas l’ensemble du réseau régional tout en surestimant la capacité d’endettement des collectivités. Un bon exemple d’alternative est la solution proposée par le collectif TransCUB s’agissant du développement de la gare de Beautiran, permettant d’augmenter les capacités ferroviaires au sud de Bordeaux. Il s’agirait de remettre en état les 4 voies laissées à l’abandon faute d’investissement public.

D’autre part, de tels bouchons ne sont pour l’instant même pas avérés. Les cheminots que nous avons contactés nous précisent d’ailleurs qu’il n’est pas si simple de calculer la capacité de transport maximale sur les lignes existantes. Cela dépend de nombreux paramètres tels que le cadencement, les différentes vitesses des trains circulant, … des modèles pour conceptualiser la saturation font même l’objet d’articles de recherche. C’est dire combien les prédictions de trafic sont hasardeuses.

Il existe cependant des estimations des taux d’occupation des trains. À date, les trains sont remplis en moyenne à 35% sur la ligne existante entre Bordeaux et Toulouse [d’après les recherches du CADE]. Cela signifie que la saturation concernerait tout au plus les heures de pointes. Or il est possible de s’adapter à de telles contraintes en priorisant le transport voyageurs à certaines heures (ce qui revient à supprimer le trafic de marchandises aux heures de pointe), et en modifiant certains paramètres de conception permanents (système de signalisation, cadencement des trains, …). Ainsi on apprend des études demandées par les collectifs citoyens que :

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 Sur le tronçon Langon-Montauban de la ligne existante Bordeaux-Toulouse […] cette capacité pourrait être augmentée en remplaçant le système de signalisation contraignant BARP (Bloc automatique à permissivité restreinte) entre Langon et Montauban par le système BAL (Bloc Automatique Lumineux).  

 Source : Relevé du “recueil statistique des transports en Nouvelle Aquitaine 2019 – mai 2021. 20 TER, 14 Intercités, 13 TGV et 12 trains de fret ; étude CLERC (ou étude Claraco) Lien.

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Focaliser ainsi le débat sur un éventuel bouchon ferroviaire à Ychoux, comme ce que fait Alain Rousset dans la presse, pour justifier un projet à plus de 14 milliards d’euros avec 327 kilomètres de lignes nouvelles est déjà ridicule en soi. Il serait en outre absurde de faire croire à la population que les lignes existantes ne sont plus bonnes à rien alors même que SNCF Réseau modernise en 2023 la ligne Marcheprime-Ychoux (sur le tracé Bordeaux-Dax) et la ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, alternative au GPSO pour rejoindre Toulouse et Paris), montrant l’intérêt des lignes existantes et leur réel potentiel. Sinon, autant jeter par la fenêtre les 121 et 38,5 millions d’euros respectivement investis sur ces chantiers : une simple cerise sur le gâteau des lignes à grande vitesse inutiles du Sud-Ouest ?

Voir aussi un article reprenant la question posée par les promoteurs du projet eux-mêmes : “A-t-on vraiment besoin de nouvelles lignes pour développer le trafic ?” : lien vers le site stoplgv2030.fr