Les limites planétaires sont au nombre de 9, et la 6e correspondant au cycle de l’eau douce a éte franchie début 2023. Ces limites correspondent à un modèle développé depuis 2015 associé à la question de recherche suivante : « jusqu’à quelles limites le système Terre pourra-t-il absorber les pressions anthropiques sans compromettre les conditions de vie de l’espèce humaine ? ». Au-delà de son caractère anthropo-centré, cette question est tout de même utile pour se projeter sur les grands modèles de développement de nos sociétés, et leurs idéologies fondatrices : le tout est-il soutenable, et surtout peut-on faire des choix qui permettent un meilleur équilibre avec notre environnement ? Il s’agirait de viser la “juste mesure”.
Or, les grands projets témoignent d’une volonté de développement associée à un contexte passé où les limites planétaires étaient encore lointaines, où le tout fossile avait une place perçue comme légitime car l’énergie était “gratuite” (sous couvert d’exploitation de l’environnement ou du vivant). Le “tout, tout de suite” de Amazon et le “toujours plus vite, toujours plus loin” de Systra, SNCF Réseau et de la majorité des dirigeants politiques français sont assez proches, idéologiquement parlant. Et pourtant tous deux appartiennent à des modèles caducs, des modèles de sociétés sur-consommatrices en ressources puisqu’elles supposent la dégradation des conditions de vie d’autres personnes, souvent situées ailleurs, et d’autres vivants (voir les enjeux écologiques).
Ainsi le projet du GPSO a pour sous-jacents des champs d’extraction de ressources (matériaux, métaux, …) dont on sait qu’ils pillent les populations à l’étranger (cf. avec quoi sont fabriquées les infrastructures ferroviaires), la déforestation locale qui perturbe le cycle de l’eau avec des conséquences bien au-delà du périmètre du tracé de LGV (cf. les 2850 hectares déforestés pour le tracé du GPSO), et les destructions de terres agricoles qui auraient pu permettre notre résilience alimentaire et ainsi éviter l’agriculture intensive ailleurs (cf. les près de 5000 hectares de terres détruits par le GPSO). Parler de “mondialisation” – voir 🔗 : le cadre dans lequel s’inscrivent ces grands projets – n’a aucun sens si le terme n’évoque que les échanges internationaux de marchandises et la circulation de personnes qui en ont les moyens : il concerne tout autant les incidences extra-territoriales de nos choix de mode de vie (par exemple, celui du “plus vite, plus loin”). Ainsi, la seule logique qui tienne face à de tels projets destructeurs est celle du “Ni Ici, Ni ailleurs”.
Cette “perspective spatiale” (les investissements sur des grands projets ici ont des incidences ailleurs) peut s’accompagner aussi bien d’une “perspective temporelle” : quel avenir pour les générations futures si nous continuons d’accumuler du CO2 dans l’air (le chantier du GPSO va émettre près de 4,5 millions de tonnes équivalent CO2), de provoquer des extinctions de populations animales (le tracé des LGVs va fragmenter l’habitat d’espèces en voie critique d’extinction comme le vison d’Europe), de compromettre la biodiversité (le tracé des LGVs va traverser 8 sites Natura 2000), de malmener les ressources hydriques en temps de sécheresse (le projet est situé en plein dans la Vallée du Ciron, affluent de la Garonne), de supprimer des terres (emprise de près de 5000 hectares) et de détruire un patrimoine vivant ?
Tout cela, pour que quelques personnes arrivent plus vite à destination, à quelques occasions dans l’année ?